- l’élégance pour plan de vol -

Où S’En Vont Les Avions ? Ce titre évocateur est estampillé sur une pochette de disque toute blanche parsemée d’avions en papier, tournicotant autour d’un Julien Clerc plus beau que jamais. Il est des hommes dont la plastique aime à séduire contre vents et marées. Force est de constater qu’à l’aube d’une petite soixantaine, celui-ci reste habité par le beau et la grâce romanesque de ces artistes intemporels.

Alors prenons-nous au jeu de l’écoute attentive et laissons de côté tous les aprioris du type : « après tout, ce n’est qu'un album de plus parmi une longue discographie populaire !? » Commençons donc le voyage, car au fond il est vrai que l’on aime les regarder passer ces avions au dessus de nos têtes et très souvent force est de constater que leurs longs panaches de fumées rejetées nous laissent totalement perplexe… Nous sommes donc là à nous accorder une pause en écoutant - charmé - les réflexions ludiques et réalistes du dernier album de Julien Clerc.

- Julien Clerc : beau chic, beau genre ! -

Partons donc dans les airs, chanson après chanson. La Jupe En Laine, c’est l’amour de l’autre, la recherche de la passion, de l’attention de l’être aimé… « je ne dors plus tu sais, je veille, sur son sommeil ». C’est beau et bien écrit. Restons Amants, raconte, avec le talent et le réalisme des mots de Maxime Le Forestier, la mise en impasse d'un couple parvenu à l’échéance de son Amour. Sans chercher à lutter contre cette fin des sentiments, l’invitation à rester amant est aussi une invitation à prolonger leur histoire sous une autre forme que celle initialement codifiée. Tout un programme à qui sait préserver l’être aimé jadis !

Une Petite Fée – Cette chanson nous raconte l’échange matinal d’un homme prenant son petit déjeuner et d’une petite Fée. On est tout proche de leur confidence amusée, le café est fumant, la touche finale ensoleillée et chargée d’espoir. C’est un dimanche d’été, un instant éphémère, on s’y croirait ! Où s’en vont les avions ? Où vont les amours passés ? C’est une jolie ritournelle sur les aléas de la vie. Le tout reste chargé de spleen et d’espoir : « où va ton reflet dans la vitre qui me donne le mal du pays ».

- convictions -

Souvenez-Vous : nostalgie d’un bon moment volé au temps. L’air est ensoleillé et ce moment de vie croqué nous invite à la visite de Paris en décapotable. On imagine une ballade en Bugatti sur la fameuse nationale 7… l’ambiance est bucolique et complice. Forcément nous fait retrouver un Julien Clerc engagé. C’est une chanson «témoin» sur la condition des femmes en prison. Le fil conducteur est une conversation téléphonique entre une femme qui sort de cellule et un inconnu. On imagine un échange que l’on espère amoureux et tendre. Très belle Interprétation au piano - magie du moment et de la voix-off. L’histoire (qui fait référence à un fait divers réel) est chargée d’espoir malgré la solitude de l’incarcération.

Le soleil accompagne chaque plage de ce disque et c'est tout naturellement que le chanteur nous convie Sous Sa Grande Ombrelle. Julien y fait la narration des moments de vie d’une fille de joie dont il joue le complice. L’une se plait à être avec lui et l’autre s’enivre d’être avec elle. C’est un échange de sentiments et de force en une fin d’après midi volée au temps. La rue blanche, le petit matin bleu : moment magique de bon matin « avant que Paris s’enflamme » et après une nuit d’amour. C’est une belle tranche de vie à la façon d’un plan cinématographique, les échanges entre amoureux sont précieux : « je tiens ta main, je te dis t’es belle encore un peu, je t’embrasse en fermant grand les yeux… »

- La mélancolie Joyeuse -

Rien n’est laissé au hasard et l’enchainement des chansons - les unes toutes plus belles que les autres - nous offre un début de réponse à la question soulevée sur la pochette. C’est donc au carrefour d’une carrière de 40 années, ponctuées de presque autant d’albums, que l’artiste nous invite à effeuiller les pages les plus récentes de son livre de vie. Bienvenue dans l’univers poétique et rassurant dudit chanteur. Ce nouvel opus reste une découverte tant il est loin des albums stars de ses périodes « yéyé » et « années 1980 ».

Il n’y a plus de « Californie », de « Melissa métisse d’Ibiza », ni de « filles aux bas nylons »… cette fois-ci, c’est par une mélancolie joyeuse que nous visitons les différentes ambiances de l’album. Il y a d’abord cette voix au timbre si familier, celle-là même qui - chevrotante et rythmée - accompagnait nos tendres années de l’enfance et de l’adolescence. Cette voix est aujourd’hui teintée d’une profondeur toute rassurante et touchante. Il y a de la maturité dans l’air !

A l’écoute de l’album, on a aimé se poser pour écouter – contemplatif - les textes et les paroles se déverser lentement dans nos écoutilles toutes prêtes à les absorber. On a aimé le regard réaliste et mature posé par l’interprète sur ses rencontres et tranches de vie. C’est joyeux, rassurant, teinté de spleen, de tendresse, d’amours éphémères et de recherche de l’instant précieux.

- touche finale -

Que penser de ce nouvel opus de Julien Clerc ? Que du bien : la magie des textes et des ambiances nous replonge dans l’univers posé du chansonnier. C’est que Julien Clerc, comme à son habitude, s’est entouré d’artistes experts en jolies rimes et de maîtres haute-couture pour les habillements musicaux : Gérard Duguet-Grasser (La Jupe En Laine), Maxime Le Forestier (Restons Amants, Dormez), Benjamin Biolay (Sous Sa Grande Ombrelle), Jean loup Dabadie (Apprendre A Lire), Gérard Manset (Une Petite Fée), Carla Bruni (Déranger Les Pierres) pour ne citer que les principaux…

Le piano reste majestueux, le rythme joyeux et l’ambiance à la "rose Kennedy" de Benjamin Biolay nous aide à imaginer que là Où S’En Vont Les Avions ? il fait sans doute bon vivre… on a hâte de le prendre cet avion de ligne, une ligne Clerc et limpide, comme l'eau de roche qui rafraichit et purifie par ses éléments essentiels. Comme ce disque essen... ciel