- L’ÉTERNEL COMBAT DE RAONI -« Il est temps que l’on récupère ce qui nous appartient ». Chef des Kayapos, le charismatique Raoni est revenu en Europe francophone pour une ultime tentative de diplomatie, du 3 au 17 mai 2010. « Depuis toujours, j’empêche mon peuple de se battre, mais je suis très préoccupé et très inquiet maintenant », a-t-il déclaré à l’AFP. Car les Kayapos sont connus pour être de très bons guerriers et leur chef se dit prêt à prendre les armes s’il le faut pour empêcher les Blancs de construire ce barrage. « Ceux qui veulent ce barrage vont détruire la nature, explique-t-il. Nous vivons de la chasse et de la pêche. Si la forêt disparaît, nous n'avons plus d'air. Avec ce barrage, les poissons vont disparaître. Notre peuple va mourir. » C’est pourquoi lors de sa tournée européenne, le chef des Kayapos « implore Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy afin (qu’ils) empêchent le président brésilien de construire ce barrage sur le Rio Xingú ». Mais si l’ex-président Chirac, qui signe la préface du livre du leader kayapo, Raoni Mémoires D'Un Chef Indien, l’a bel et bien rencontré, aucun signe de l’actuel Président français, malgré des promesses proférées devant des caméras de télévision. Le Brésil était pourtant au cœur de ses préoccupations il n’y a pas si longtemps, notamment en avril dernier, lors de son entretien avec le président Lula à Washington concernant la vente de chasseurs français Rafale, dont il est sorti « confiant »… - UN COUP POLITIQUE -Si 2010 voit le coup d’envoi du projet Belo Monte, c’est surtout une année politique pour le Brésil. En octobre et novembre prochains se dérouleront non seulement l’élection du Président mais aussi celle des députés et des gouverneurs des 27 Etats. Et les questions d’infrastructures hydroélectriques sont un enjeu majeur pour les politiciens. Après la panne d’électricité en novembre 2009, qui a plongé dans le noir un quart du pays (dont Rio et Sao Paulo) pendant trois heures, et celle de 2001 qui a duré plusieurs jours, le Président Lula justifie aisément une politique énergétique agressive. Le Plan national d’énergie (PNE), élaboré en 2006 à l’initiative du gouvernement, prévoit les besoins énergétiques du pays jusqu’en 2030, sur la base d'estimations de la croissance économique et démographique et de l’évolution technologique. Selon ce plan, la demande en électricité devrait augmenter de 4,1% en moyenne par an durant les deux prochaines décennies. Belo Monte est donc présenté comme la solution la plus sensée par le Président brésilien, le barrage devant couvrir 6% des besoins énergétiques du pays d’ici à 2014 (année où le Brésil accueillera la Coupe du monde de football…). Autre argument avancé par Lula : sans ces nouvelles usines hydroélectriques (qui représentent plus de 80% de l’énergie produite par le Brésil), le pays devra se doter d’usines thermiques, bien plus polluantes… et bien plus onéreuses : « chaque mégawatt/heure produit à Belo Monte devrait coûter 78 reais (33 euros), contre 200 reais (85 euros) s’il s’agissait d’une usine thermique », se félicite le Président. - L’EFFICACITÉ DU BARRAGE MISE EN DOUTE -Outre l’aspect écologique, c’est l’efficacité même de Belo Monte qui est remise en cause. Marcelo Furtado, directeur de Greenpeace Brésil, comme beaucoup, reproche à l’usine d’être située à pas moins de 5000 km au sud des utilisateurs potentiels de son courant électrique : « Cela représente une perte considérable d’énergie dans la transmission et multiplie les risques de panne électrique géante. Ce modèle de production, vieux de 30 ans, est dépassé. Le Brésil devrait au contraire multiplier les petites usines de proximité et diversifier ses sources d’énergie avec la biomasse et le solaire. » Pour le président d’Electrobras, Antonio Muniz Lopes, le site a été choisi car le Rio Xingú connaît ses crues en avril-mai, au moment où le débit des cours d’eau du sud est faible. A moins que ce ne soit pour alimenter les mines, bien plus proches du barrage que la majorité des brésiliens. Pour répondre aux besoins croissants d’énergie au Brésil, WWF-Brésil a publié un rapport en 2007 qui propose un moyen de réduire de 40% la demande attendue d’électricité d’ici à 2020. La solution : investir dans l’efficacité énergétique (rendre plus performantes les usines au lieu d’en construire de nouvelles, par exemple). Selon l’organisation, ce type d’approche pourrait faire économiser l’équivalent de 14 Belo Monte et jusqu’à 33 billions de dollars sur la même période. - AMAZONIE : LE POUMON DE LA PLANÈTE
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