Humeurs Humaines - L'hebdo édito

 

Les gros titres à chaud

 

L'actu de l'hexagone

 

Nouvelles d'ailleurs

 

Les personnalités qui font et défont

l'actualité

 

Nature et défis écologiques

 

 

 

 

 

Notre revue de presse

 

Un petit tour de piste du web

 

La rubrique des accrocs de la TV

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




























































 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

>> SOS AMAZONIE

*20e ANNIVERSAIRE DE L'APPEL MONDIAL
  DU CHEF RAONI.

Le chef RAONI: l'Amazonie
jusqu'au dernier souffle

 

 

-le 13 avril 1989 à Paris, épaulé par Sting, il lançait un appel mondial pour tenter de sauver la forêt amazonienne

C'était il y a vingt ans jour pour jour. Les journalistes du monde entier, rameutés par la présence d'une rock-star internationale s'étaient déplacés à Paris pour relayer le SOS du charismatique chef Kayapo Raoni, un étrange personnage à la lèvre inférieure distendue par un labret, coiffé d'une parure de plumes d'Ara. Le monde découvrait un Gandhi de l'Amazonie, engagé depuis des décennies déjà pour tenter de sauver la plus grande et la plus précieuse forêt tropicale de la Terre. Celui-ci nous démontrait, par ses mots simples et puissants, que l'aider dans son combat pour la vie c'était garder une mince lueur d'espoir pour le futur d'une planète menacéé : la Terre de nos enfants.

13/04/2009 >> accueil
        

 

Rencontre

- RAONI -

Chef Indien Kayapo d'Amazonie

 

2/2 - entretien avec le chef raoni (mai 2000)


- propos recueillis par Gert-Peter BRUCH* -


 

 

Vous venez de rencontrer le Président Jacques Chirac à l’Elysée. Quel était le but de cet entretien ?

Je lui ai fait part de mes inquiétudes sur les effets de la déforestation et je lui ai parlé des solutions que je propose. Le Président s’est montré très préoccupé et a décidé de nous soutenir dans notre projet de création d’un institut au sein de la réserve Kayapo. Ce territoire est situé dans la région du fleuve Xingu, que nous avons pu protéger et délimiter grâce aux soutiens de tous ceux qui m’ont aidé lors de ma première campagne en 1989.

Comme l’a déclaré votre Ministre de l’Environnement (1) qui nous a reçu voici quelques jours, le Président a confirmé que le gouvernement français allait financer l’étude de faisabilité de cet institut et nous aider à trouver les partenaires nécessaires à sa réalisation. J’ai également offert au Président un kokar (parure de plumes d’Ara), porté uniquement par les grands chefs, que j’ai moi-même confectionné. Je suis heureux de voir que votre Président a compris l’urgence de la situation et se montre aussi déterminé à agir rapidement.

Quelle est la situation de la réserve Kayapo ? Comment cohabitent les différentes tribus au sein de ce territoire ?

Nous sommes actuellement une douzaine de tribus, environ 5 000 à 6 000 Indiens, à vivre dans ce grand territoire au cœur de la forêt amazonienne (184 000 km2, soit près d’un tiers de la France). Nous co-existons de façon pacifique, Kayapos, Suyas, Kamauiras, Jacabis…Aujourd’hui, nous avons décidé de nous unir et de parler d’une même voix. Ceux qui veulent s’emparer de nos terres ont trop souvent tenté de nous diviser. Il faut que vous sachiez que mon propre sort m’importe peu. Mon seul objectif est que nous marchions côte à côte.

J’ai rendu de nombreuses visites à toutes ces tribus que je vois souffrir depuis si longtemps… Je sais que nous partageons les mêmes difficultés. Depuis toujours les Indiens sont un problème pour le monde extérieur Cet institut nous aidera à prouver qu’ils peuvent apporter une solution à l’avenir de la Terre. Notre connaissance de la nature est détenue par nos ancêtres, nos chamans et nos guérisseurs. Cette sagesse se transmet oralement de génération en génération. Rompre cette chaîne entraînerait la perte définitive de ce savoir. Nous voulons rester les gardiens de cette forêt, vitale pour l’humanité.

Quelle est l’attitude du gouvernement brésilien face à la situation des Indiens ?

J’ai rencontré cinq Présidents de la République Brésilienne, et c’est la même histoire depuis 25 ans. Ils m’ont tous très bien reçu, ils m’ont tenu de beaux discours, mais ces rencontres n’ont donné aucun résultat concret. L’un est mort, l’autre n’a pas été réélu…

Le Président Sarney, qui a gouverné le pays de 1985 à 1990, est le seul à avoir fait un peu avancé les choses. Aujourd’hui, j’espère que le Président Itamar Franco tiendra les promesses qu’il a faites à tous les Indiens du Brésil. J’aimerais lui faire comprendre la nécessité et le fondement de mon combat. J’espère le rencontrer de nouveau, dès mon retour. Nous devons travailler ensemble dans l’intérêt de tous.

Nous nous souvenons tous de votre campagne de 1989. Pourquoi Sting n’est-il plus à vos côtés aujourd’hui ?

Il nous a beaucoup aidé à l’époque, mais je n’ai plus de nouvelles de lui depuis dix ans…

Quel est votre sentiment sur les célébrations du 500éme anniversaires du Brésil ?

Il serait préférable pour nous tous d’oublier ces 500 dernières années et d’apaiser les esprits. Je sais que beaucoup ne sont pas de cet avis. Chacun connaît pourtant les massacres qui ont été perpétrés par les Conquistadores et leurs descendants, les guerres qui ont décimé nos peuples. Mais aujourd’hui pensons à l’avenir et repartons sur des bases saines.

Quel a été votre premier contact avec notre civilisation ?

Les premiers hommes blancs avec qui ma tribu est entrée en contact étaient les frères Villas-Boas. Je devais avoir entre 18 et 20 ans. D’après mes souvenirs, nul habitant de mon village ne soupçonnait l’existence d’un monde extérieur peuplé d’hommes blanc. Seuls, les Indiens vivaient heureux sur leur terre ancestrale. Mais, très vite, tout a commencé à changer : les étrangers ont envahi nos terres et menacé notre existence. Pour toutes les tribus isolées de la planète, le premier contact avec l’homme blanc fut destructeur.

Nous avons eu la chance d’être approché par les frères Villas-Boas qui ont voué leur vie à notre protection. C’est en travaillant à leur côté que je me suis familiarisé avec les quelques notions de portugais que je possède. Ces hommes m’ont aidé à faire face à un univers inconnu. Aujourd’hui, je tiens à rendre hommage à leur travail, car ils m’ont ouvert les yeux sur le combat qui nous attendait. Dès qu’ils ont quitté leurs fonctions, les problèmes ont commencé. Nous avons dû nous battre sans relâche pour faire valoir nos droits. Ce qui me touche malgré tous les déboires que nous avons rencontrés avec les envahisseurs de tous bords, c’est de voir que partout dans le monde on a fini par connaître mon travail et par entendre mon message. J’espère que les générations futures prendront le relais

Quel message tenez-vous auprès de vos frères Indiens pour les rallier à votre lutte ? 

Nous tous, Indiens du Brésil et d’ailleurs, avons besoin que le monde entier prenne conscience de notre problème. Mon message est : “ Unissons-nous, marchons ensemble sur ce sentier sinueux." C’est une lutte difficile qui nous attend et je m’efforce d’ouvrir la voie pour nous tous, afin que chacun puisse continuer à vivre en bonne santé sur la terre qui l’a vu naître. J’aimerais qu’enfants et adultes puissent continuer à vivre ensemble en harmonie, comme ils l’ont toujours fait, dans la forêt des origines. Qu’ils sachent aussi que tout mon amour va vers eux. 

Vous parlez souvent d’un être suprême qui vous guide dans votre vie et votre combat ?

Imprere est toujours à mes côtés. Il me soutient et me guide inlassablement. Il est avec moi, il me parle. Il est le créateur, le maître de toutes choses. Dans les temps anciens, nous ne mangions que des racines. C’est lui qui nous a appris à apprivoiser la forêt et nous nourrir de ses trésors… Aujourd’hui nous abandonnons progressivement nos habitudes alimentaires et nous nous détournons de lui. Imprere est aussi vieux que l’univers. Lorsque la Terre s’est embrasée, il y a très longtemps, tout a été détruit. C’est grâce à lui que nous sommes revenu sur cette terre et il est resté à nos côtés jusqu’à aujourd’hui. Il nous a transmis cette culture qui est la nôtre. 

Dans les cérémonies que nous perpétuons depuis la nuit des temps, nous essayons de restituer la beauté des chants avec lesquels il nous a enchantés autrefois. Une de nos plus belles traditions est ainsi l’application sur le corps d’une peinture à base de gémipapo, une baie sauvage, mélangée à de l’huile de poisson, lors de cérémonies où nous remercions la forêt pour sa beauté et lui prouvons notre respect. Les motifs de ces peintures nous sont inspirés par l’univers magique qui nous entoure. Elles se transmettent de génération en génération, tout comme les coiffes de plumes d’ara qui, par leur couleur, soulignent l’appartenance à une famille. 

Aujourd’hui, tout ce que nous a transmis Imprere, tous les trésors de la forêt risquent de disparaître avec nous. C’est pourquoi j’ai tellement besoin de votre soutien pour créer cet institut. Je voudrais transmettre ce que m’a apporté Imprere pour que tous comprennent à quel point la sauvegarde de la forêt est primordiale pour la survie du monde

Mais ces coutumes ancestrales ne sont elles pas abandonnées peu à peu par les nouvelles générations ? 

Pour moi, il est primordial que nous maintenions nos traditions, mais les jeunes Indiens sont de plus en plus attirés par les mirages de votre civilisation. Le port du plateau traditionnel, le labret, a été abandonné et les Indiens s’habillent de plus en plus comme les Occidentaux. Certains veulent leur ressembler et finissent par oublier notre culture. Beaucoup sont complètement désemparés dans un monde qui n’est pas fait pour eux. Ils finissent souvent leur vie dans des taudis ou autres bidonvilles… Combien de destins tragiques ont-ils pour la plupart rencontré ? 

Aujourd’hui les jeunes Kayapo vont à l’école, mais je discute souvent avec eux de la nécessité de rester en contact avec notre univers. Encore une fois, s’ils décident d’entreprendre des études, j’aimerais qu’elles leur permettent de mieux se protéger et d’aider leurs frères. S’ils choisissent de partir, qu’ils le fassent pour mieux revenir et que nos danses continuent. Car demain, ce seront eux les gardiens de notre langue et de nos traditions

Quel est le lien qui vous unit à la forêt ? 

Les esprits ! La nuit, ils partent à ma recherche et lorsque l’un d’entre eux me trouve, il investit mon corps. Grâce à lui, je vois à travers les éléments et j’écoute le monde. Ce sont les esprits qui me permettent d’appréhender le futur et me disent comment éviter le danger. Ils m’avertissent en cas de malheur. Parfois, je quitte mon corps pour que ma forme astrale accompagne les esprits qui m’invitent. 

Vous dites souvent que " si l’homme continue de ne pas respecter la Mère Terre, les vents reviendront et souffleront plus forts ". Est-ce un avertissement ?

J’aimerais que chacun puisse entendre ce que je vais vous dire. À l’allure où vont les choses, la forêt disparaît jour après jour. Nous allons provoquer de nouveaux ouragans biens plus puissants que la tempête qui a traversé votre pays en décembre dernier (1999). La forêt originelle peut résister et contenir ces cataclysmes, mais pas celle plantée par la main de l’homme, car les racines de ces arbres ne pénètrent pas la terre. La forêt est une barrière naturelle qui nous protège. Lorsqu’elle aura disparu, la violence des ouragans sera terrible et nul ne pourra y résister. Voilà ce qui me préoccupe tant aujourd’hui. Il faut que le monde entier prenne conscience de la nécessité de préserver les dernières forêts. 

L’homme a une âme, mais les arbres aussi. Si vous continuez à détruire et à voler la Terre, les âmes de la nature reviendront se venger et les vents souffleront sur vos villes. Nous paierons alors tous le prix de votre inconscience. Vous épuisez les ressources de la terre, vous l’exploitez pour vous enrichir. Il faut que vous réappreniez à gérer avec sagesse les richesses qu’elle vous apporte. 

Quel est votre sentiment sur cette deuxième campagne ? 

Cela a été très dur de revenir. Je suis âgé, il ne me reste plus beaucoup de temps à vivre. Mais soyez assuré que je poursuivrai cette lutte jusqu’à mon dernier souffle. J’ai trouvé la force nécessaire, car il est très important que je sois une seconde fois parmi vous. 

Depuis mon arrivée, je ressens une volonté profonde de la part des Français de nous aider. Cela pourrait être un nouveau départ pour le futur de nos enfants et de leurs descendants. J’aimerais que cette campagne leur soit dédiée et qu’elle soit le témoignage du combat que j’ai mené tout au long de ma vie. Il est fondamental que les Indiens se retrouvent impliqués dans la poursuite de mon œuvre. Je souhaite que les miens restent à jamais maîtres de leur destin, car la plus grande partie du monde ne sent pas concernée par leur situation. Les Indiens ont suffisamment été exploités pendant les siècles passés. 

Pour toutes ces raisons, j’ai tenu à être accompagné cette fois-ci de mon fils Tidjé (2) et de mon neveu Pitu (Président de l’association Kayapos Imprere), pour qu’ils puissent assurer ma relève et apprendre la réalité de votre monde. Un jour prochain, ce sont eux qui porteront le flambeau.

 

*traduit du Kayapo par Pitu Yaro, président de l'association kayapo 'Imprere' avec l'aide d'un interprète franco-portuguais.

(1)Dominique Voynet a reçu Raoni au ministère de l’Environnement le 5 mai et a organisé une conférence de presse pour officialiser son soutien au projet de son institut.

(2) Tidje, fils de Raoni et héritier spirituel de son engagement est décédé en 2003, victime d'un accident.

 

 

- raoni reçu en 2000 à l'elysée
par le président jacques chirac -

 

 

©CULTURCLUB.COM - Toute reproduction strictement interdite sans accord