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  LIÉES À JACQUES VERGÈSICI

SERIAL PLAIDEUR

Jacques Vergès, culture crime

 

 

-le grand avocat joue les prolongations pour son monologue, au théâtre de la Madeleine (Paris) jusqu'au 23/02/09

Pour ceux qui ne l’ont jamais vu « en vrai », voici enfin une occasion de découvrir le redoutable Jacques Vergès à la barre… ou plus exactement sur la scène du Théâtre de la Madeleine où il joue les prolongations de son monologue Serial Plaideur, Jusqu’au 23 février 2009, un plaidoyer brillant qui explique pourquoi le procès est un lieu de métamorphose et comment crime et culture sont intimement liés.

24/01/2009

>>accueil

- par Quentin MERCIER & Gert-Peter BRUCH -

***

 

- culture crime -

Jacques Vergès, personnalité complexe de notoriété mondiale, que nous vous avons longuement présenté dans nos pages (voir le récapitulatif de notre événement En Toute Liberté en fin d’article), est un homme que l’on rencontre habituellement lors de procès phares (Klaus Barbie, Omar Raddad...), sur les marches des palais de justice ou sur les plateaux de télé à forte audience. Autant dire que les occasions de le voir exercer son talent oratoire sont limitées à des circonstances pour le moins particulières. Aussi, passé la surprise, on accueille forcément avec curiosité et intérêt cette occasion unique jusqu’alors de pouvoir approcher le personnage sur une scène de théâtre, celui de la Madeleine à Paris. C'est d'ailleurs le directeur actuel de ce bel endroit, Frédéric Franck, qui est à l'origine de ce projet étonnant : Vergès seul en scène pour réciter du Vergès.

- dans le plus simple appareil -

La première des impressions au lever de rideau, est celle d’un dépouillement voulu, presque neutre. Sur l’estrade, une reproduction allégée du bureau où il officie dans le neuvième arrondissement : statues africaines gigantesques, boîte à havanes, range crayons, dossiers en attente… La mise en scène de Louis-Charles Sirjacq est minimaliste et le regard du spectateur se focalise tout au long de ce monologue, sur un périmètre pour le moins restreint, qui va de l'arrière à l'avant du bureau, seul périple effectué par un Me Vergès majoritairement stationnaire.

Stationnaire mais pas immobile. Il a passé les quatre-vingt printemps mais son charisme et la puissance de ses démonstrations restent intacts. Tout est dans la présence, la gestuelle appuyée, le phrasé superbe et les intonations qui caressent ou tambourinent le tympan, selon les moments. Dès son entrée en scène, son timbre de voix vient éteindre la rumeur de la salle. Cette voix grave, profonde, qui résonne dans l’oreille bien des heures après la représentation. L’élocution est claire, évidente et puissante. Mais les silences aussi sont orchestrés avec talent. Il faut le voir humer de façon rituelle son « barreau de chaise » en ouverture du spectacle, défiant au passage, dans l’impunité la plus totale, la loi anti-tabac. Dans cette messe étrange ou Vergès parle de métamorphose, les volutes sont des formules magiques et les mots des arabesques que l’on ne saurait saisir et enfermer dans un cadre aussi confiné.

- le Maître du « je » -

Maître Vergès sait captiver son audience. Pas en jouant au Narcisse comme certains aiment à le dire. S’il fait quelque peu étalage de son érudition, c’est pour marquer les esprits, les imprimer d’exemples tirés du quotidien ou de la littérature : il évoque ainsi Antigone (immortalisée par Sophocole), Jeanne d’Arc et Julien Sorel (héros de Le Rouge et le Noir de Stendhal), qui l’accompagneront tout au long de cette plaidoirie qui érige le tribunal en théâtre de la comédie humaine. Lieu lugubre, lieu mystérieux mais lieu de vie aussi.

- au théâtre de la Tragédie ordinaire -

Au cours des procès, les vies se nouent, se dénouent, dans le pathétique, l’emphase, la simplicité, la complexité. Tout au long de son monologue, Jacques Vergès n’a de cesse de nous promener sur les sentiers de l’humanité et de balayer les préjugés qui érigent certains hommes en monstres ou des actes répréhensibles en abominations inhumaines. En chacun de nous existe une part sombre et quand il lance avec un calme écrasant en parlant des hommes « les encore innocents et les déjà coupables », on comprend tout à coup qu’il parle de nous-mêmes, de chaque être humain. Il tente d'établir au passage que nul n’est vraiment innocent, mais que nul n’est réellement coupable non plus. Que ferait-on dans telle ou telle circonstance ? Peut-on se targuer d’être infaillible en toute circonstance ? Peut-on garantir de ne pas être lâche, jamais ?

- Le crime et la vie -

Serial Plaideur est une plaidoirie qui donne à réfléchir, qui place le spectateur dans un rôle de juré. Il y en a cinq cents chaque soir (le bouche à oreille fonctionne bien), qui se laissent emmener doucement sur les sentiers du doute, des certitudes qui se muent en incertitudes. Le point d’interrogation surgit derrière les points de suspension, balayant celui que l’on croyait final.

Serial Plaideur c’est, de façon étonnante, une remise en cause de toute forme de justice humaine. Au nom de quoi nous prétendons nous qualifiés pour juger notre prochain ? Et Vergès d’explorer les 7 péchés capitaux pour se tourner vers le divin - de façon symbolique car l’avocat dit souvent qu’il croît en l’homme avant tout. En revenir à l’origine biblique de l’humanité, c’est démontrer que le crime est à la base de tout. La culture s’élabore tout autour : littérature, théâtre, cinéma. Les exemples vont d’Ingrid Bergman à Marlène Diétrich, Gérard Philippe et Charlie Chaplin ; de Shakespeare à Mauriac, Capote ou Dostoïevski. On en ressort enrichi et convaincu.

- tant qu’il y aura des hommes… -

L’avocat est donc ce confident qui ne juge pas, peut-être le dernier des hommes, dans lequel le condamné à l’échafaud aperçoit cette part d’humanité sur laquelle il peut se reposer. Tant qu’il y aura des hommes il y aura des avocats. Ceux-ci doivent être les gardiens du dernier bastion de la compréhension. Et ce qu’il apparaît, c’est que Maître Vergès veut comprendre… et nous aussi, ses jurés d’un soir ; mais le bénéfice du doute remporte la partie, tandis qu’il reste figé sous les applaudissements, regardant son public tête haute... avant de disparaître derrière un lourd rideau de questions…

- jacques vergès en scène -

 

 

 

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