
SECRETS de POLICE
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◄ La musique est la parade nuptiale des humains ►
Dans les années 80, l’inventivité de votre jeu de batterie à apporté un souffle nouveau dans la musique pop. Vous êtes aujourd’hui encore une référence qui fait l’unanimité. Avant tout, quel effet cela vous fait-il et pourquoi n’avoir jamais publié votre méthode personnalisée comme bon nombre de musiciens le font ?
Hum ! J’aime beaucoup enseigner mon art même si je ne le fait jamais ! J’enseigne uniquement à mes enfants. Ensuite, j’adore communiquer avec d’autres musiciens et m’imprégner de leur expérience. Je discute avec des groupes pour savoir comment ils fonctionnent, qui écrit les chansons, sur quel axe se situe leur dynamique d’écriture, etc… Quand j’aurais atteint 90 ans, je pourrais commencer à enseigner, pour l’instant je suis bien trop occupé.
Et comment ressentez-vous le fait d’être l’un des batteurs les plus influents de votre époque ?
Ce ressenti est pour moi très éphémère et peu fréquent ! C’est quelque chose que les gens me disent et parfois le le crois, mais c’est peu fréquent. La plupart du temps, j’ai les mêmes préoccupations que tout un chacun, tel que « quand est-ce qu’on mange ? ».
Bien sûr mais si autant de monde le pense, vous devriez en être assuré.
Même dans ce cas là, on ne le croit pas très longtemps et on a beau vous le répéter, cela s’efface. C’est impossible de se considérer en permanence comme faisant partie d’une élite. Il est donc inévitable de devenir blasé. D’un autre côté, c’est agréable de se l’entendre dire de temps en temps, ça vous arrache un peu du train-train quotidien. Cela fait près de vingt ans que l’on a commencé à me dire que j’étais un grand musicien, cela n’a forcément plus le même impact après tout ce temps. Il y a un autre aspect que j’appelle le syndrome Eric Clapton ! Tout le monde disait de lui qu’il était Dieu lorsqu’il prenait sa guitare et lorsqu’il le faisait tout le monde l’attendait au tournant. Intimidé par sa propre réputation, il n’a plus joué de guitare pendant plusieurs années, par peur de décevoir. Ceci dit, pour moi il est, plus simplement, un joueur de blues inspiré, il n’a pas la dextérité de Eddie Van Halen ou Steve Vaï... Je n’aimerai en tout cas pas être atteint de ce syndrome dont j’ai vérifié les effets néfastes sur plus d’une célébrité. Pour éviter cela, je m’entraîne, je vais taper le boeuf avec des musiciens et je ne joue pas les divinités, je suis même parfois assez moyen selon les jours, mais je m’en fiche royalement.
Comment avez-vous pu passer de l’écriture de chansons pop, telles que celles de votre album Klark Kent (paru entre le second et le troisième album de police), à la création de musique pour grands orchestres ?
En fait c’est une envie qui remonte à l’enfance, la pop music n’a été qu’un détour. C’était le seul moyen de m’envoyer en l’air au lycée !
Vos musiques de film ont une signature sonore que l’on reconnaît instantanément, est-ce fait de manière délibérée ?
Non, pas du tout et cela fait partie des mystères de la vie. Allez savoir pourquoi parmi deux musiciens qui jouent de la guitare, composent ou chantent l’un est ignoré et l’autre unique, alors qu’ils y mettent chacun la même part d’imagination et de sincérité ! Je ne sais donc pas pourquoi l’on me dit que ce que je fais est unique, c’est juste ce qui sort de ma tête. L’instinct est le dénominateur commun de mes différents styles d'écritures. Que ce soit pour le rock ou pour le classique, c’est le même instinct qui me guide et c’est peut être cela qui permet de percevoir une certaine personnalité dans mon travail.
Vous avez déclaré que vos racines musicales puisaient principalement dans la musique classique. Pouvez-vous m’en dire un peu plus ?
J’ai commencé par le classique, même si ma carrière professionnelle s’est épanoui dans le rock et que mon instrument principal est lui même un instrument rock. D’ailleurs les autres instruments que je joue, la guitare et la basse, le sont aussi. Je me sens plus à l’aise dans un groupe de rock qu’avec un orchestre classique -je n’arriverait jamais au niveau d’un Karajan- mais ce qui est étrange c’est que la musique qui joue dans ma tête soit la plupart du temps de la musique pour orchestre symphonique ! Mais je vous rassure, j’adore jouer du rock.
Vous adoriez donc la musique classique, mais comme vous l’avez dit vous même, le rock c’est mieux pour coucher !
(rires) exactement!
C’est vraiment parti de ça?
Eh bien on dirait une plaisanterie mais en fait c’est la vérité ! J’étais un adolescent maigre, peu développé et mauvais en sport. Quand vous êtes en plus petit avec le teint pâle, la batterie ça aide pour vous faire remarquer. La plupart des musiciens sont souvent des ex-maigrichons, ne jouant pas au foot et avec cependant ce même désir légitime de tirer leur coup.
Les Beatles disaient la même chose à peu de choses près, qu’ils avaient commencé pour épater les filles.
Pour moi, la musique est la parade nuptiale de l’être humain ! C’est pourquoi nous l’aimons tant. Chaque espèce animale a ses rituels. Certains oiseaux déploient leur plumes, l’homme lui utilise le langage musical pour se rapprocher du sexe opposé.
A ma connaissance vous avez écrit 3 opéras, c’est un exercice particulièrement difficile...
Oui, très difficile, mais c’est ce que j’appelle de l’art. Dans cette discipline le compositeur est roi ! Quand vous écrivez des chansons pop, vous pensez principalement à formater votre oeuvre pour la radio. Quand je créé un opéra, j’ai une vision toute à fait différente, je me glisse dans une autre peau. Dans cette forme d’écriture, le compositeur est tout-puissant, il a un contrôle total sur l’orchestre, le casting, la scène et le reste. Je dois dire que cela me plait assez.
Et comment les critiques ont ils réagis à vos opéras ?
De façon variée. Disons que près la moitié n’ont pas apprécié qu’une rock-star fasse une incursion dans la sacro-sainte musique classique. Ce que je peux comprendre car c’est un domaine difficile, ou chacun travaille très dur en avançant pas à pas. Il ont payé le prix fort, alors ça les ennuie de voir une rock star gruger la file d’attente. Heureusement il y a aussi ceux qui sont sensible à ma musique sans à priori et je reçois des réactions aux antipodes des précédentes, ce qui est plutôt rassurant.
N’est ce pas le même genre de reproches que l’on fait à McCartney quand il fait par exemple son Oratorio de Liverpool ?
Absolument ! Voilà un homme dont on ne peut pas dire qu’il ne sait pas composer de musique. Il a écrit quelques unes des chansons les plus importantes de notre temps et les critiques continuent à le dénigrer. Mais soyons honnêtes, sur ce pont la tâche des critiques n’est pas aisée. Quand je fais du rock, on me compare à d’autres musiciens de mon époque, dont quelques uns sont très bons mais la plupart médiocres alors que lorsque je fais un opéra, on ne me compare plus à mes contemporains mais aux maîtres absolus : Pucchini, Mozart, Wagner... “La crème de la crème” (en français dans le texte)! Les centaines d’autres compositeurs et musiciens des siècles passés ont été oubliés. On se souvient uniquement des dieux inaccessibles. Dans ce cadre je ne suis pas en compétition avec les meilleurs de mes pairs mes avec les meilleurs des cinq derniers siècles écoulés, c’est un challenge des plus difficiles.
Nous évoquions Paul McCartney, vous avez eu l'occasion de taper le boeuf avec lui, quand cela s’est-il produit et quelle impression cela fait-il de jouer avec un Beatles ?
C’était super, à part qu’en fait je n’ai pas vraiment joué avec un Beatles puisqu’il avait fait appel à un bassiste ! C’était dans les années 80, Paul et George Martin m’avait fait venir pour enregistrer une quelconque ballade sirupeuse. J’essayais d’en tirer quelque chose d’intéressant mais ils préféraient que je la laisse telle qu’elle était. J’ai alors réalisé qu’il ne m’avaient pas choisi pour mes qualités de jeu mais pour ajouter un nom célèbre à leur projet. Mais ce fut une grande journée. Dès que nous avons réalisé que la chanson ne tournait pas, il s’est mis à nous raconter des histoires sur les Beatles et ceci jusqu’à la fin de l’après-midi. Ensuite, nous avons fait le boeuf, et c’était assez bon je dois dire, bien que je ne pense pas qu’il s’en soit jamais servi. Surtout, il m’a appris quelque chose. Il nous avait donné rendez-vous dans son studio et j’avais eu un mal de chien pour me garer ; je lui en fait part et il me répond : “pourquoi tu t’embête avec ta voiture, moi je suis venu en métro !” , “Tu prends le métro, toi un Beatles ?”, “oui et pourquoi pas ?”. Moi qui était à l’époque dans ma bulle, j’étais terrifié à l’idée que si je prenais les transports publics, les gens pourraient me reconnaître. “Oui il te reconnaîtront mais que verront-ils? Ou est le problème ?” m’a rajouté Paul. Et depuis cette journée, j’ai appris à devenir moins parano. Ca m’a beaucoup libéré.
Revenons un moment à votre passion pour la musique classique : aimeriez-vous créer un nouvel opéra pour l’Opéra bastille ?
Oh oui! J’adore créer des opéras mais c’est difficile de trouver des compagnies qui acceptent d’en prendre le risque financier, cela coûte si cher ! Si l’opéra Bastille m’appelle, je me mets immédiatement au travail !
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