AVANT-PROPOS

(adeptes de la langue de bois s'abstenir)

Voilà près de trente ans que Raoni, chef du peuple Kayapo ­ce peuple indien qui vit au cœur de l'Amazonie brésilienne, sur les rives du Xingù, un affluent de l'Amazone - est à l'avant-garde de la lutte pour la survie de son peuple et du territoire qui leur a été confié depuis l’origine des temps : la forêt-vierge. 

Dans un contexte tendu, souvent au péril de sa vie (on se souvient de Chico Mendès, seringuero assassiné en 1988 pour son militantisme contre la destruction de la forêt amazonienne), Raoni s'efforce d'imposer une alternative à l'agonie annoncée de la Terre.

En 1989, avec l’aide du chanteur Sting, et celle de Jean-Pierre Dutilleux (qui lui a consacré un film mémorable en 1978), il avait pu quitter le Brésil et lancer dans 17 pays un appel à l’aide. Relayé par la plupart des télévisions celui-ci avait contribué à éveiller les consciences : la déforestation ne détruit pas seulement les dernières tribus indiennes, elle risque de compromettre  notre avenir à tous.

Il y a quelques années (Mai-Juin 2000) au moment ou le monde s'interrogeait sur les grands défis que l'humanité aurait à relever pour le nouveau millénaire, Raoni est revenu en France, après 11 ans d'absence, dans l'espoir que ses solutions pour la préservation de sa forêt d'Amazonie puissent être entendues par le plus grand nombre possible. Tel un Gandhi amazonien à la lèvre distendue par un labret ­ ce disque qui dans la tradition était censé effrayer les ennemis-, usé par l’âge et les combats, il venait apporter son précieux témoignage, au moment  même où le Brésil célèbrait le 500° anniversaire de sa découverte et annoncait officiellement la poursuite de la déforestation pour répondre aux commandes extérieures en bois précieux.

Désabusé par ses précédentes expériences avec certaines associations humanitaires qui continuaient, au fil des ans, à récolter au nom des indiens kayapo un argent dont ils ne virent pratiquement pas la couleur, il avait tenu à se faire accompagner de son fils Tedje (décédé depuis) et de son neveu, Pitu Yaro, président de l'association 'Imprere', porte-parole de la tribu kayapo, dont lui-même est l'un des chefs.

Ayant participé de façon active à la coordination des événements liés à son retour, je n'ai pu malheureusement que constater que Raoni et les siens, une fois de plus, étaient très souvent confinés à des rôles de potiches sur les plateaux de télévision, avec possibilité extrêmement restreinte de s'exprimer (raison principale de leur venue).  Heureusement, le soutien de la presse écrite fut massif et d'une toute autre qualité, mais dans notre époque ou l'audio-visuel est roi, on ne peut "exister" sans la bénédiction du dieu cathodique. En ce qui me concerne, ce retour de Raoni n'a pas véritablement tenu ses promesses. Raoni n'avait qu'un seul objectif s'exprimer en profondeur sur le problème plus qu'épineux et fort complexe de la déforestation massive.  Certes, deux ou trois de ses phrases choc ont été reprises (toujours les mêmes) ici et là mais pas un seul média n'a eu l'idée ou l'envie (malgré mes efforts) de publier ou diffuser une longue interview du chef Kayapo. Son message s'est égaré dans les méandres politico-médiatiques...

Dans l'ombre et à distance, aux côtés de Jean-Pierre Dutilleux et de toutes les équipes de l'antenne française de la Rainforest Foundation créées par lui et Raoni (avec le soutien initial de Sting) j'ai milité pour cet homme, soutenu avec mes faibles moyens son combat que j'ai fait mien, et ceci dès 1989. L'ayant côtoyé jour après jour durant de longues semaines lors de son escale française de l'an 2000, j'ai trouvé offensant que l'on ne s'intéresse pas davantage au discours de cet orateur sage et habile. Non, Raoni n'est pas homme à rechercher les plateaux télés douteux ou des manifestations mondaines, où les gens ne l'invitent que dans le seul but de l'exhiber du fait de sa particularité physique. Cela faisait chic de poser à ses côtés pour le photographe, mais ceux-là même qui prétendent le respecter l'ont-ils jamais écouté ? On se souvient de ses plumes et de son plateau, mais qui se souvient de ses paroles ? Nous ne sommes plus au temps du Persan de Voltaire que diable!

Raoni, qui, en l'espace d'une vie, a quitté brutalement la préhistoire de l'homme pour être confronté au rouleau compresseur de notre civilisation dévastatrice, c'est un peu Don Quichotte contre les moulins à vent. Ceux qui se sont présentés comme ses guides dans ce monde (le notre) dont il ne peut connaître tous les rouages, n'ont pas eu la décence de garder la neutralité qu'il avaient pourtant promis de s'imposer. Beaucoup se sont fait de la publicité, certains en ont fait leur commerce et ont entamé la crédibilité de cette cause. On sort des livres, on publie des articles, des photos, on se prétend fils ou fille adoptive de Raoni... bref, on se sert d'une cause noble pour assouvir ses propres besoins de reconnaissance et de notoriété. Ce que ces "porte-parole" apportent à ce combat déjà très médiatisé reste à prouver,  l'inverse non. Et puisque'il faut bien le citer, en ce qui concerne le célèbre chanteur Sting, cela fait plus de dix-huit ans que Raoni n'en a plus de ses nouvelles. Et pourtant, le chanteur reçoit régulièrement des prix pour l'environnement et a organisé des années durant aux USA, avec son épouse, des galas très médiatisés dans le but de lever des fonds pour l'association Rainforest Foundation, dont j'aimerais rappeler qu'elle a été créée POUR venir en soutien à Raoni, en 1989 !!! Pas d'excuses, plus d'excuses, halte à l'imposture. Tous ceux qui font leur beurre de causes humanitaires sont plus néfastes à mes yeux que les brésiliens sans le sou qui n'ont pour autre choix que celui de tronçonner les arbres de la forêt amazonienne.  Mais ce n'est que mon opinion...

Je rêve qu'un jour une conscience collective s'éveille et mette fin à ses dérives. Pour contribuer (certes très modestement) à faire de ce rêve une réalité, je me suis fait un point d'honneur à réaliser un entretien avec ce chef venu d'un autre âge qui détient la clé d'un futur un peu plus rose que celui vers lequel  nous allons tout droit. Ce fut une expérience incroyable et fort émouvante. Raoni m'a, à cette occasion, chaleureusement remercié de lui laisser enfin la possibilité de s'exprimer à coeur ouvert.

J'ai eu par le passé des divergences avec Jean-Pierre Dutilleux mais les choses sont désormais clarifiées. Il faut savoir être magnanime et rendre à César ce qui est à César : aucun politique, ethnologue ou "professionnel" de l'humanitaire n'a réussi à populariser  la cause de la protection de la forêt amazonienne comme l'a fait cet autodidacte. Cette prise de conscience à l'échelle mondiale, c'est l'oeuvre de toute une vie, celle de Jean-Pierre Dutilleux. C'est lui qui a fait connaître Raoni et son combat. Il n'a pas été le seul à oeuvrer pour cette cause , bien évidemment, ce serait injuste et faux de le déclarer, mais son travail a permis d'obtenir le soutien de Sting et l'appui du monde entier. Certes, il y a eu des erreurs, mais entreprendre de telles actions est un chemin très périlleux, alors qui n'en aurait pas fait? Pas moi en tout cas. Lorsque vous entrez sur le terrain de l'humanitaire, vous êtes pris en sandwich entre les intérêts politiques, économiques et médiatiques car le sujet est brûlant. C'est un jeu extrêmement vicieux. Il vous faut jongler en permanence avec ces données et la marge de manoeuvre est faible.

Quoiqu'il en soit, j'ai constaté que les détracteurs de Jean-Pierre Dutilleux qui s'attèlent à détruire sa réputation et son travail depuis des années n'ont rien fait pour cette cause essentielle. Ont-ils proposé d'autres méthodes, d'autres projets ? non! Vont-ils régulièrement sur le terrain comme lui le fait? Non, non et non. Ont-ils réussi à enrayer la destruction de la forêt Amazonienne ? Vous connaissez la réponse. Beaucoup publient des articles de façon anonyme sur le net pour semer le trouble. Ils ont fait des dégâts et des dommages collatéraux. Les méthodes qu'ils utilisent sont celles d'un d'un autre temps que seuls des jaloux et des envieux peuvent envisager d'utiliser.  Ce sont les même qui dénonçaient leurs voisins en des temps peu glorieux. Jean-Pierre Dutilleux a toujours eu le respect de personnes aussi diverses que Paul Emile Victor, les frères Villas-Boas, Marlon Brando ou Floyd "Red Crow" Westerman, grand défenseur des droits des indiens d'Amérique du Nord, parmi beaucoup d'autres peut être moins illustres. Si certains, qui se disent à la pointe du combat, veulent réellement apporter leur pierre à l'édifice, qu'ils soient constructifs et non pas destructifs et qu'ils cessent d'avancer masqué. Leur aide est bienvenue car on sait bien que l'union fait la force. Leurs idées, leurs analyses peuvent être précieuses.  Il y a de la place pour tous dans ce combat. Quant aux autres, probablement désireux de gonfler leur égo en se rendant intéressant, sans se soucier visiblement des conséquences de leurs actes, qu'ils argumentent ou se taisent à jamais...

Nous sommes à présent en 2008, près de vingt années ont passé et je reste dévoué à cette cause, je reste dévoué au combat de Raoni. C'est pour affirmer ce soutien que je vous propose aujourd'hui de lire l'intégralité de cette interview exclusive, accordée au mois de Mai 2000 et qui était restée inédite avant sa reproduction sur culturclub. Il est évident que le contenu reste tout à fait d'actualité.

L'interview est accompagné d'une sélection photo tirée des nombreux reportages que j'ai réalisé à l'époque. Les images que je vous propose aujourd'hui sont-elles aussi inédites. 

Cet entretien est surtout destiné à ceux (nombreux) qui ne voient en Raoni qu'un phénomène de foire ou le figurant d'un quelconque remake du 'Wild West Show' de Buffalo Bill. J'espère qu'ils prendront conscience de l'acuité et de la pertinence des propos de cet homme en lisant les lignes qui suivent.

Merci de le faire lire à vos relations, de faire un lien dans vos sites personnels, de l'envoyer par mail... pour Raoni... et  pour la plus belle forêt du monde. 

                                                                                                              Gert-Peter BRUCH

 

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